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Une envie de livres ?

17/09/2008

Doit-on être historien pour tirer des leçons de la pratique de l'histoire ?


J'aimerais vous expliquer à présent quelques petites choses à propos de la pratique de l'histoire. Je ne ferai pas cependant le tour de tout dans ce billet, il y en aura d'autres.


Premier point, doit-on être historien pour tirer des leçons de la pratique de l'histoire ?

Je ne dis pas "tirer des leçons de l'histoire" car à mon sens on ne peut en tirer aucune, contrairement à ce que l'on entend souvent : "il y a eu tellement d'horreur, l'histoire ça sert à tirer des leçons de tout ça".
"Tout ça" désignant en tas informe le passé. On peut méditer tout au plus sur la constance de la nature humaine, prompte à massacrer son prochain en dénigrant les massacreurs d'hier.


La seule leçon que j'ai tirée de l'histoire jusqu'ici est le penchant des hommes a faire le mal, quelque soit la culture, la civilisation, les époques. Peut-être parce qu'il est plus facile de faire le mal que le bien.

Il n'y a pas de progrès humain, malheureusement. L'homme d'aujourd'hui, aussi épris de liberté et d'idéaux, n'est pas meilleur dans la pratique que le paysan du Moyen-Âge, son lointain aïeul. L'expérience des uns ne sert pas aux autres, ou bien rarement. Le seul progrès que l'on puisse retenir de façon valable est technique.

En allant plus loin, j'ai même trouvé deux constantes précises qui sont à l'origine de la célébrité de nombreux personnages historiques (en laissant à part les penseurs purs) : l'amour du pouvoir ou de la célébrité, et l'amour de l'argent.
Quand un type laisse son nom dans l'histoire sans avoir manifesté ni amour de l'argent, ni amour du pouvoir, c'est ce que l'on appeler un "saint", indépendamment de toute connotation religieuse. Un original, un Louis IX, un Gandhi, dont le parcours peut s'expliquer parfaitement culturellement, mais dont les motivations de l'action ne répondent pas aux critères habituels.
Il y a donc dans l'homme une capacité au bien, rare, difficile mais réelle.


Donc pas de leçons à tirer de l'histoire, à part la misère et la dignité de la condition humaine.

En revanche, on peut tirer bien des leçons de la pratique de l'histoire. Esprit critique, recul, prudence, contextualisation des informations ("Qui parle ? Pourquoi ?"), remise en cause de théories lorsqu'on les confronte à la réalité, humilité donc devant l'archive, devant les hommes des siècles passés.


Capacité aussi à écouter. Écouter les gens du passé nous raconter leur vie. Il y a quelque chose qui me fascine depuis longtemps : au fond, comment peut-on dire que le passé est moins intéressant qu'aujourd'hui ? C'est un écho à une réaction que j'ai souvent entendue alors que je faisais part de ma décision d'entamer des études d'histoire. En résumé les réactions étaient les suivantes : je fuyais le présent pour me réfugier dans le passé. Faire de l'histoire, est-ce fuir ? Je n'en suis pas si sûre, je suis même convaincue du contraire (joli tour de rhétorique, non ? Banal mais efficace, hum... Il faudra que je me fasse soigner de mon goût excessif des mots)

Les hommes d'hier avaient-ils des vies de valeur moindre que les nôtres ? Non, je ne vois pas pourquoi. On me répondra alors :"C'est que nous ne pouvons plus rien pour eux !". C'est possible. Si j'avais été secrétaire, médecin, mécanicienne, j'aurais rendu service aux gens de mon époque, comme tant d'autres. Oui mais voilà, être un arbre dans une forêt, ne m'a jamais convenu. Indépendamment de cela, les gens des siècles passés ne sont pas moins intéressants que ceux de maintenant. Leur seul défaut est maigre, c'est celui d'être morts, ce qui nous arrivera à tous. Alors tourner sa vie vers celle des vivants ou des morts, peu importe, l'un comme l'autre de ces deux choix sont tout aussi intéressants. Et l'on peut pour les gens des siècles passés, c'est de ne pas les oublier, ce qui est beaucoup.


Ce que j'ai par dessus tout retenu de la pratique de l'histoire, c'est l'effort de comprendre. Comprendre les raisons d'une réaction, d'un choix, d'une culture, d'une vie, d'une condamnation, tenter de tout comprendre, et non juger ce qui revient à fermer les barrières de l'intelligence. Être un avocat qui aurait l'humanité pour client. (tiens, mon goût des formules grandiloquentes que reprend !)

Alors quelque fois, on s'emballe, et il faut discuter, découvrir d'autres visions des choses, pour affiner sa perception des choses, comparer, tisser des liens entre des problèmes.

Ce qui fait l'essence même de l'histoire, et la valeur de l'exercice historique à mes yeux, c'est, qu'avant d'être l'exposé de vérités, elle est un dialogue complexe mais passionnant entre des visions qui, tout opposées soient-elles, redessinent dans leur complémentarité les contours complexes de la vérité historique.

L'histoire est une réécriture perpétuelle, un incessant retour en arrière, nourri de l'exhumation de sources nouvelles et du regard frais de nouveaux points de vue.

Elle apprend à écouter les gens, quel qu'ils soient.

Elle est aussi désespérante, car elle ne sera jamais écrite définitivement, et elle enlève les illusions sur la nature humaine, qui reste la même, quelque soit les siècles, même si les cultures, les modes de vie, les façons de penser, les valeurs changent.

Bref faire de l'histoire c'est un peu grimper en haut d'un phare pour prendre un peu de distance.

Mais pour pratiquer tout cela, il n'est pas nécessaire d'être historien. J'ai le sentiment d'avoir compris tout ce que je viens d'exposer dès ma deuxième année d'étude. Je n'aurais pas choisi de faire de la recherche et donc d'être historienne, cela n'aurait rien changé. J'aurais pu être professeur d'histoire-géographie vacataire avec une simple licence en poche et j'aurais néanmoins pensé tout cela.

Si faire l'histoire donne le goût de comprendre, on ne réussit toujours pas à comprendre. Ainsi je ne vois pas comment on peut avoir des opinions politiques, religieuses ou autres que l'on qualifiera d'"extrême", que ce soit être marxiste, extrémiste de droite ou intégriste et être arrivé au niveau de la licence d'histoire, en ayant profité des acquis de la recherche historique jusqu'à présent.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si tant d'historiens marxistes dans les années 1960 et 1970 ont renoncé au marxisme grâce aux archives, qui ne recelaient pas l'organisation de la société en laquelle ils croyaient. Eux avaient l'excuse de défricher les principes fondamentaux des sociétés des siècles passés. On sait maintenant que les sociétés du Moyen-Âge européen n'ont pas été le théâtre de lutte des classes, chose que l'on pouvait encore croire il y a cinquante ans.

Comment ne pas admettre que le marxisme est né dans le contexte de l'Europe du XIXe siècle, où les populations ouvrières étaient incomparablement plus malheureuses et pauvres que les populations ouvrières d'aujourd'hui ? (Même s'il y a toujours beaucoup de misère, la question n'est d'ailleurs pas là) Comment ne pas admettre que le marxisme qui s'est justifié pendant de longues décennies, ne se justifie plus autant aujourd'hui. De nouveaux contextes se sont développés, avec des nouveaux problèmes économiques, politiques.

À guetter les dangers d'hier, on risque de ne pas voir les dangers de demain, ou à défaut puisqu'il est toujours dangereux de jouer les devins, ceux d'aujourd'hui.


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Recyclé, recyclable, tout est affaire de mot


Je tiens à remercier notre ministre du développement durable et son obsession du recyclage (dont on ne se souviendra plus dans six mois sauf en passant à la caisse du supermarché éventuellement) de m'avoir donné l'occasion de ce billet, grâce à son idée de taxe pique-nique.

Moi, je suis bête. Si, si. D'ailleurs non seulement je me suis arraché les cheveux avec les mathématiques, mais aussi avec le français. Je vous ai dit que je suis une ancienne élève médiocre. Mais à présent, si je saisis l'utilité extrême des mathématiques, sans les comprendre davantage, j'apprécie la richesse d'une langue.

Ainsi on m'a appris que les mots qui sont dotés d'un suffixe en "-able" indiquent la possibilité (si vous êtes curieux, c'est par ici que ça se passe pour en savoir plus) tandis que les suffixes en "-isme" indiquent une attitude, une opinion, voire un excès. L'expansionnisme, le travaillisme, le christianisme, le capitalisme, bref c'était une leçon reçue à l'époque où j'étais à l'université pour mieux comprendre les sujets de dissertation, et les textes en général. Continuons.
L'usage d'un participe passé indique, lui, que l'action est accomplie.

Notre ministre du développement durable a dit : "Utilisez les assiettes en carton car elles sont recyclées".

Moi, je tire de mes règles de lexicologie précédemment rappelées et du bon sens le plus élémentaire la conclusion suivante : une assiette en carton est recyclable. Normal, c'est du carton.

Mais une fois utilisée, je doute qu'elle soit recyclable.

Il semblerait donc que notre ministre ait confondu les mots "recyclable" et "recyclé".


À votre avis, qu'est-ce qu'il faut à notre ministre ? Un cours de français ou un stage chez les éboueurs de Paris ou d'ailleurs ?


Peut-être les deux...
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Et si les économistes étaient les décideurs ?


Idée saugrenue du jour, qui m'est venue en écoutant ce matin l'invité de France Inter, Georges Soros, financier international, milliardaire.

Je ne pensais pas à Soros, mais à des praticiens de l'économie comme Soros. Pourtant ceux qui me connaissent savent le dégoût que provoquent chez moi les investisseurs à court terme, parasites et rapaces à la fois des entreprises.

Ou au moins à des hommes dont l'étude de l'économie est le métier. Un peu comme Raymond Barre. L'ennui c'est qu'en politique il faut savoir être un bon commercial : pas trop de connaissances mais du talent pour parler, afin de vendre un salon en cuir douze places à quelqu'un qui habite dans un studio de douze mètres carrés.

À propos de Sorros, ce qui m'amuse beaucoup (j'ai regardé un peu ce qui se dit de lui sur la toile) c'est qu'on le présente comme philanthrope. Comme Bill Gates.
Il y a de quoi mourir de rire.
Parce qu'en replaçant les choses dans leur contexte, on comprendrait pourquoi les millionnaires/milliardaires américains sont si souvent philanthropes. La lecture des publications d'Olivier Zunz peut permettre de comprendre le problème, pas si simple (notamment Le Siècle américain, utile pour comprendre les enjeux des élections présidentielles américaines au XXe siècle et en ce début de XXIe siècle), qui actuellement travaille précisément sur la question de la philanthropie des milliardaires américains. Pour résumer à l'extrême, il faut se replacer dans le contexte d'une culture américaine protestante où la richesse est à la fois le fruit de l'élection du croyant réformé, et évangile oblige, une barrière à l'entrée au royaume des cieux (cf. la formule du Christ « il est plus facile pour un chameau de passer par le chas d'une aiguille que pour un riche d'entrer au royaume des cieux » Mat. 24). Être philanthrope, ça permet aussi de payer un peu moins d'impôts. C'est toujours ça de gagné.


Remarquez, en parlant de chameau, de vrais économistes au milieux de politiques, c'est un peu comme des chameaux dans un zoo, ou pire, au milieu de buildings, ils seraient nécessairement malheureux.
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