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Une envie de livres ?

27/05/2009

Blessures humaines


- Hier, l'humanité m'a ulcérée, un chauffeur de bus, constatant que sa rampe ne se dépliait pas, a laissé un handicapé sur le trottoir, sans un mot.
- Ce matin, j'avais le sourire aux lèvres en allant au boulot. En montant dans le bus, le chauffeur a réclamé la priorité de passage sur les passagers qui montaient à bord, s'est s'extirpé de son siège pour aller empoigner le guidon du fauteuil d'un autre handicapé, et l'aider à descendre en douceur sur le trottoir.
Je pensais à Marc Bloch qui voyait en l'histoire une maîtresse d'humanité. "Comprendre", ce beau mot qui veut dire aussi "aimer".

En lisant le billet du jour de Camille dans ses carnets baroques, j'ai repensé à ce que je me suis souvent dit en franchissant quasi tous les jours les portiques de sécurité des différents sites de la BNF. On pose son sac sur la table, on passe sous le portique, on ouvre son sac devant le vigile. Si l'on est connu, on zappe l'étape "j'ouvre mon sac". Si l'on n'est pas connu, on ouvre une, deux poches, les plus grandes. Sauf que dans le fond de ces poches, on peut mettre n'importe quoi, une arme blanche, un flingue. Dans la poche de devant que l'on ne me fait jamais ouvrir il y a largement la place. Donc les portiques ne seront jamais une garantie.

D'autre part les mômes qui sont susceptibles d'avoir des armes sur eux, sont connus. Et puis, sans armes classiques, il y a tout ce qu'il faut dans un établissement scolaire pour tuer. Alors que les enseignants, les directeurs, le personnel ait le droit d'exiger l'ouverture d'un sac, c'est une évidence. Mais cela ne suffira pas.


Bien sûr que la place des enfants ou jeunes adultes violents n'est pas dans un école comme les autres. De là à les exclure tout court, non. Je repense quand je vois ces pauvres mômes qui franchissent le pas de trop dans la haine, à ceux que j'ai vu pendant mes années d'étudiante, en province. Celui-ci, tout petit, petit bonhomme de trois, quatre ans à peine, que sa mère faisait avancer en l'injuriant, en lui balançant des horreurs que je n'aurais jamais sorti à un adulte. Il avait été odieux ? Non, il ne marchait simplement pas assez vite. J'ai failli la gifler, cette mère.
Cet autre, neuf ou dix ans (avec sa mère, lui aussi) qui donnait des coups de pied dans l'arrêt de bus, dans la poubelle publique, qui refusait d'aider sa mère à porter les sacs de courses. Pauvre mère, qui avec des "Dylan, allez arrête, allez, viens..." mous et flasques, n'arrivait plus depuis longtemps manifestement, à obtenir quoi que ce soit de son rejeton. Durant ma première année d'enseignement, je haïssais certains parents, je les traitais en moi-même de criminels. De si petites négligences, de petits riens, qui mis bout à bout, faisaient partir à la dérive leurs mômes.

Mal aimés, pas aimés, poussés de travers sans savoir leurs limites et sans découvrir la lumière de l'humanité, pauvres mômes, dangereux petits hommes changés en fauves par manque d'amour.
Ce qui est symptomatique et pathétique, c'est qu'au fond, on ne fasse pas réfléchir les jeunes enseignants débutants aux fondements de l'éducation. Pourquoi éduque-t-on? Quel est le but de l'éducation? Formalisme social, ou recherche du beau, du bien et du vrai ? Je ne sais pas qui a fait les dialogues du film Firelight, où Sophie Marceau s'acharne à éduquer une petite fille capricieuse, insupportable, odieuse (c'est la sienne mais bref, personne ne le sait, chuuut il ne faut pas le dire); petite fille que le père a outrageusement gâtée depuis des années. Quoiqu'il en soit, alors qu'elle affronte son odieuse fille et en même temps le père qui ne supporte pas de voir sa petite fille pleurer, il y a cette formule placée sur les lèvres de S. Marceau qui résume tout "Vous aimez votre fille ? Moi, je veux que tout le monde l'aime!"

Pour ces petits d'hommes changés en fauve par leur milieu, il faut un cadre de vie sévère mais humain, fraternel, pour leur réapprendre à vivre en hommes. Quelque chose comme la compagnie de militaires professionnels, pas les rigolos de 20 ans qui ne savent qu'en mettre plein la vue, et aboient sur leurs inférieurs, mais ceux qui ont vécu, souffert, et appris l'humanité face à la mort. Je crois que, si pour être un bon historien, il faut aimer l'humanité, pour être un bon gouvernant, aussi.

Je voulais vous parler de la paranoia du chercheur, ce soir, je crois que je suis partie sur un autre sujet. La paranoia du chercheur, ça sera pour un autre jour (je n'ose dire, "pour demain")...
Ah si, en parlant d'éducation, aujourd'hui, j'avais deux places en salle d'archives, comme toujours quand on consulte des microfilms en plus de manuscrits. Je quitte un instant ma place microfilm, pour aller vérifier quelque chose sur mon ordinateur, qui se trouvait en place de lecture standard, à un mètre de là. Ni une, ni deux, une greluche de cinquante berges me pique ma chaise, qui était devant le lecteur de microfilm. J'en suis restée sans voix. Heureusement que mon attention a été attirée par autre chose, sinon je lui refaisais le scalp ! Non mais!
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