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Une envie de livres ?

31/07/2010

Scratch serait le nom de ma plume... si j'en avais une



L'air de rien, la rédaction avance. Vivent les vacances (donc) ! Bon, dix pages par semaine, à ce train-là, cette thèse n'est pas terminée. Mais ce sont des pages denses. Hahum. Si, si. Une certaine satisfaction me donne du coeur à l'ouvrage. Je termine mes soirées dans l'état d'un zombie, mais on ne peut pas tout avoir. De toute façon, cette histoire va se terminer sur des nuits blanches et quelques dernières semaines proprement infernales. J'aurai beau faire pour éviter cette fin épouvantable, rien ne pourra m'éviter cela. Et l'absolu impossibilité de toucher tout ce qui se rapportera à cette thèse pendant au moins un an. Je vous passe la dépression post-thèse, on en reparlera. J'ai trouvé le moyen de la frôler après la maîtrise, pas de raison que j'y échappe pour la thèse.

En attendant, la rédaction c'est chouette, même si quelquefois, l'énervement repointe son nez:

- d'abord il fait chaud, vraiment trop chaud. Dehors, dedans, fait chaud.

- je hais les calculs. Vous pouvez être surs que, article ou page de thèse, je commence toujours par faire des tableaux et des tableaux, je me plante sur une case ou deux, je termine mes tableaux, je me rends compte qu'il y a boulette, je pars ligne après ligne à la recherche desdites boulettes, je calcule, je vérifie sur les relevés d'archives, je trouve les boulettes, je les corrige, je recalcule mes pourcentages, indices, taux de variations, écart-type devenus faux de ce fait, je chasse l'erreur dans le paragraphe explicatif déjà rédigé... et je respire. Exaspération suprême.

- je ne sais pas si vous avez remarqué, quand on cherche à faire de tête une même addition, deux fois de suite, on n'obtient jamais deux fois le même résultat. Autant compter des poules dans une basse-cour. C'est à en devenir fou.

- mais je hais encore plus les ouvrages où il n'y a pas de pages en fin de volume consacré à la bibliographie. Il faut donc courir de pages en pages à la recherche de la première référence, pas abrégée, qui vous permettra de mettre la main dessus à la bibliothèque. Le pire c'est quand on a déjà consulté l'ouvrage, voui mais pas moyen de se souvenir du nom de recueil en question (sans auteur because plein XVIIe siècle et pas d'auteur, sinon ce ne serait pas aussi drôle).
Remarquez, il suffit que même avec une bibliographie, ces maudites notes en bas de page n'indiquent que le nom de l'auteur et un "op. cit." pour que ce soit la misère. Auteur qui a évidemment publié une multitude d'ouvrages. C'est la raison pour laquelle je voue un culte aux Nouvelle Clio. Dans ces ouvrages, toutes les références sont numérotées. Et ça , ça change la vie. Finalement, j'hésite à brûler en effigie l'inventeur de l'op. cit. ou l'inventeur de la première abréviation du monde. J'hésite. Vous n'auriez pas un avis, par hasard? Cela vous est déjà forcément arrivé, n'est-ce pas (rassurez-moi...)




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29/07/2010

Le nom de la femme


Un nom est un petit rien qui peut provoquer beaucoup d'agacement. Voire davantage encore. Je vous épargne ici les commentaires un peu trop généraux sur la condition de la femme. Et je ne vais pas non plus remonter à la Genèse pour soliloquer sur Saraî qui n'était pas Sarah avant l'Alliance mais après.

Je veux parler uniquement d'un problème: le nom de la femme mariée, exerçant une activité professionnelle scientifique. De plus en plus de jeunes historiennes - je ne parle que de ce que je sais - ajoutent à leur nom de jeune fille (ou patronyme) leur nom d'épouse. Mode qui fait féministe pour certains, nécessité pour les concernées.

C'est effectivement loin d'être une fantaisie de (jeune) féministe. Un exemple récent: je cherchais les références de la thèse d'une ancienne élève de l'école des Chartes, Josette Metman. Il ne faut pas trop que je me plaigne, Zeus et les informaticiens ayant créé les bases de données en ligne, trouver leur nom d'un thésard ou ex-thésard est devenu extrêmement facile. N'empêche que je ne trouvais aucune Josette Metman dans la base de l'École des Chartes. Groumph. Moment d'agacement suprême. Tout ça pour une note de bas de page. Je n'ai pas fini à cette vitesse. Zeus et les informaticiens ayant aussi créé Persee.fr, j'ai trouvé une chronique nécrologique où l'on indiquait son nom de jeune fille: Cléret. Une déduction digne d'un enfant de maternelle ("étant donné l'âge moyen d'un thésard de l'école des Chartes, il est probable que l'objet de ma quête se soit marié après sa soutenance de thèse. Donc recherchons sur la base de données par son nom de jeune fille. Bingo".) J'ai donc retrouvé la thèse recherchée.

La durée de la vie rapportée aux chances de : veuvage/divorce/remariage/redivorce et j'en passe, pousse donc beaucoup de femmes amenées à publier à ajouter leur nom d'épouse à leur nom de jeune fille. Et non substituer l'un à l'autre. L'objectif est d'éviter tout désagrément aux lecteurs. Ce n'est pas que, personnellement, je vive avec le secret espoir que des doigts fébriles recherchent tout mon oeuvre, l'intégralité de mes publications, passionnantes et fabuleuses, mais enfin. Au cas où d'un cerveau pervers en naîtrait l'idée, je m'en voudrais de lui compliquer la tâche.

Reste les problèmes consistant à :
- réussir à expliquer aux collègues (masculins souvent) que non, ce n'est pas du snobisme ni même du féminisme;
- faire rentrer ce nom à rallonge dans les formulaires, déjà trop courts pour mon nom de jeune fille;
- faire comprendre aux uns et aux autres par quel nom nous appeler;
- éviter de vexer le mari. Je ne cache pas que c'est presque là le plus difficile. Où les hommes vont-ils fourrer leur fierté, j'vous jure...
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28/07/2010

Blog Notes de musées

François Boucher (1703-70) : Le Déjeuner (1739 – Louvre)

Encore un petit nouveau dans le rayonnage des blogs à visiter régulièrement: les notes de musées de Jean-Louis Gautreau. À défaut de pouvoir sillonner soi-même la France de musée en musée, J.-L. Gautreau le fait pour nous et propose une visite guidée... Au menu, une histoire des sites de musées, de somptueuses natures mortes (oui je sais, mais je n'y peux rien, j'aime ces choses-là), des portraits, des scènes de genre, des paysages, des notes sur les genres en peinture. Les oeuvres d'art ne concernent pas seulement les historiens de l'art (même si j'avais déjà eu l'occasion de causer ici du petit livre de Daniel Arasse), elles servent également les historiens du politique, de la culture, et tout domaine historique en fait. Il est fréquent de citer le Boucher qui est ci-dessus, pour l'histoire de la sociabilité et des nouvelles pratiques alimentaires du XVIIIe siècle. Remarquez la pendule à gauche de la porte, elle nous parle aussi de l'histoire de l'horlogerie et du mobilier de luxe. Les vêtements des personnages sont riches d'informations, eux-aussi. Bref, l'art est une mine d'information, et ce site un bon moyen d'avoir accès aux collections des Musées nationaux, parallèlement au site de la Réunion des Musées nationaux.

Site à suivre donc... Notes de musées sur blogspot.
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27/07/2010

On nous cache tout, on nous dit rien

En faisant la revue du catalogue des parutions - en histoire - j'ai été frappée par la récurrence des ouvrages dits pudiquement "Grand public" jouant sur le thème "On nous cache tout, attention attention, moi j'vais vous dire ce qui s'est vraiment passé". La paranoïa étant une des tendances naturelles de l'homme, c'est une excellente ressource pour maison d'édition en panne d'inspiration et d'historiens de talent.

Vous vous souvenez sans doute du fameux "Historiquement correct". J'avais beaucoup aimé la critique au vitriol des Clionautes, plus précisément l'analyse de Ghislain Baury.
Le plus savoureux reste le ton de certains lecteurs sur les sites de librairies "Excellente lecture pour en finir avec la pensée unique". Ouais. Pour en finir avec la prétendue pensée unique, j'aime bien qu'un auteur - même vulgarisateur - indique ses sources, c'est-à-dire tous les ouvrages qu'il a pillés -ou utilisé sans les citer si vous préférez-. Quitte à rendre le lecteur "libre" autant commencer par le rendre autonome.



La vérité toute nue, même trop lisse pour être honnête
(En vrai, La Vérité de J.-J. Lefebvre,
1870, Paris, Musée d'Orsay)


Cela va des "Impostures de l'histoire" (éventuellement suivies quelques années après des "Nouvelles impostures de l'histoire") à "La véritable histoire de...". Le genre commun adore les séries de type "L'histoire pour les Nuls"," L'histoire en 100 dates" ou les "100 personnages qui ont fait l'histoire de France".

Chassez les grand zhommes, ils reviennent au galop.

Et puis faudrait voir à ne pas lasser le lecteur et-puisque-l'on-vous-dit-que-les-bouquins-d'histoire c'est-tout-nul-et-atrocement-ennuyeux, alors on vous la promet brève. Je rajoute à ça "Les mots qui ont fait l'histoire" ou "Les phrases qui ont fait l'histoire" et j'en viens à aspirer ardemment à une histoire des "Silences qui ont fait l'histoire".

Comment briller dans un dîner en faisant figure d'honnête homme à moindre frais, pour 8 euros même, en tout et pour tout. Et ça a l'avantage de ne pas prendre trop de place sur les étagères.

Argument majeur.

Je vous vois tiquer, oui, vous, là, au fond: vous êtes en train de penser "facile pour elle de dire qu'il faut lire et encore lire, mais elle, la souris, c'est son métier, de s'empiffrer de livres d'histoire à longueur de journée!". Oui mais non. Sans lire tout ce qui existe, partez d'un manuel même riquiqui mais intelligent, et après creusez en fonction de vos goûts. Il y a ici dans le diaporama ou les précédents billets de quoi commencer à se faire une petite culture générale.

Vous remarquerez d'ailleurs que dans le diaporama qui va bientôt être mis à jour si cela n'est pas déjà fait, j'ai toléré un "1515 et les grandes dates de l'histoire de France". Voui, j'avoue. Mais-mais-mais ! (Comme ferait l'ami Dutronc) Dirigé par A. Corbin, et intitulé "les grandes dates revisitées". J'avoue, ce n'est pas mal fichu du tout. Pareil traitement pour l'histoire de France de Lucien Bély et Jean-Paul Gisserot. C'est de la taille d'un guide de survie, mais au moins j'ai confiance dans les auteurs, et le texte n'est pas une compilation d'ânneries rebattues.

Et ça, ça fait du bien.
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24/07/2010

En vrac (3)



- J'ai croisé dans le métro un heureux propriétaire de chaton. La tête de la bestiole minuscule dépassait à peine du sac. Je me suis retenue pour ne pas gâtouiller ostensiblement devant cette petite boule de poil, alors que je suis quasi indifférente à un bébé. Une souris gaga d'un chaton, ça fiche mal.



- Première fois. S'il est vrai que l'on est jeune tant que l'on a des "premières fois", j'ai donc l'honneur et l'immense avantage de vous prouver ma jeunesse. Cet après-midi, je suis tombée sur un plagiat. Un beau, net et sans rature. Tout au plus trois phrases de différence. Même structure du texte, mêmes idées, mêmes exemples (forcément...). Pas de bol pour l'auteur du plagiat, j'avais terminé cinq secondes auparavant la lecture d'un fabuleux article de 1974 - que je devais lire depuis six bonnes années, vouivouivoui... - et j'enchaîne sur des actes de colloque publié en 2000, dont un chapitre publié par une jeune historienne, et bam, ça me saute aux yeux.
"Pas très original" me dis-je au premier abord.
(...)
"De moins en moins original".
(...)
"Tiens, c'est bizarre, pas la moindre référence à l'article de 1974 de cette autre historienne".
(...)
"Euh, oui, finalement, je crois savoir pourquoi E.D n'est jamais citée... groumph..."

C'est la première fois que cela m'arrive, un tel constat. Je sais que bien tous les historiens ne sont pas des saints, mais ça fait bizarre une pareille première fois. Si on m'avait dit que chez les historiens il y avait non seulement des souris mais aussi des coucous...



- Xénophobie en plein 17e siècle. J'avais un acte royal à relever cette semaine, au programme. Je flairais le truc xénophobe, mais je me disais "Non, c'est encore un sale coup des marchands parisiens, peuvent pas sentir certains marchands d'origine étrangère échappant à la réglementation parisienne, mais le roi a sûrement stoppé net les velléités de nos bons bourgeois parisiens". Que nenni. Bien au contraire. Le roi est allé dans le sens des marchands parisiens. La veine. Enfin pas pour les marchands naturalisés français, qui dans l'affaire ont perdu leur état de marchand privilégié, parce que, vous comprenez, ils étaient d'affreux "étrangers". Leurs lettres de naturalité avaient été délivrées par Henri IV probablement par pur pragmatisme, besoin de marchands, et peu importe qu'ils ne soient pas français. Mais tout d'un coup, sous Louis XIII ils mettaient en péril la nation et l'économie française. La preuve ? C'étaient d'affreux Flamands, Allemands, Suisses. L'ennemi d'hier qui faisaient peur aux petits enfants était le même qu'aujourd'hui, sauf que nos ennemis supposés nous allons les chercher quelques centaines de kilomètres plus loin. Plus ça va, et moins je peux piffrer Louis XIII. Je savais déjà sa goujaterie - qui ferait passer Henri IV pour un enfant de choeur - mais là...
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22/07/2010

L'été à la BnF


L'été à la BnF serait un moment presque miraculeux. La preuve en quelques mots:

- Les salles sont calmes, et comme dirait Pink Martini, un rayon de soleil passe son bras par les fenêtres. Un peu plus que son bras même, vu que l'architecte de la BnF n'a pas su prévoir ni calculer l'angle du soleil été comme hiver, malheur à ceux qui sont sur des places inondées de soleil. L'invention hautement technique et littéralement avant-gardiste des stores lui était sans doute inconnue. Impossible de changer de place, surtout si vous avez réservé des ouvrages (procédure pour laquelle vous êtes identifié selon votre numéro de place) et que la salle est bondée; je médite l'achat d'un parasol. Il sera au moins utilisé là à défaut de pouvoir l'installer sur une plage;

- On peut réserver une place au moins le samedi et le lundi le matin-même sans se prendre l'habituel message d'échec quand on n'a pas réservé depuis quinze jours:
"Actuellement, il ne reste plus de place réservable pour le jour que vous avez choisi. Cependant, chaque jour, une partie des places reste disponible pour l'entrée immédiate dès l'ouverture. De plus, des places se libèrent dans la journée. Vous pouvez également réserver pour un autre jour"
(dernière phrase qui me fait une belle jambe). Pour les mardis, mercredis, jeudis, vendredi, c'est toujours la même misère pour réserver. Reste l'astuce consistant, sur place, à commander un ouvrage - dont vous n'avez nul besoin - et à le faire mettre de côté pour le lendemain, par les magasiniers, dans le courant de la journée. En recommençant tous les jours la même manipulation, vous pourrez obtenir à coup sûr une place d'un jour sur l'autre;

- Si les mouettes vous manquent, au retour, faites un grand crochet par le jardin du Luxembourg. Je médite aussi la demande d'une volière à mouettes et goélands aux abords de la BnF; avec quelques amplis pour le son des vagues, cela fera des vacances à moindre frais, moins onéreuses en tout cas que Paris-Plage, sans perdre de temps sur le sable. Pour avoir vu dans une expo toutes les bêbêtes qui pullulent dans le sable, je vous assure, ça vous coupe l'envie de vous y étendre. Et puis le sable, ça colle, surtout avec du lait de bronzage; quant à la montagne et la campagne, les oiseaux gueulent et les fleurs puent, comme disait Jean Yann; non, rien à faire, la BnF l'été, c'est bien. J'ai même réussi à bronzer pendant mes aller-retour quotidiens, c'est vous dire;

- Une autre astuce consiste à lire en douce (juste un chapitre par jour) un bon petit roman d'été - pas Musso non plus, faudrait voir à ne pas exagérer non plus, j'ai dit "bon roman", hein -, tenez, l'ouvrage que vous mettrez de côté tous les jours... Comment joindre l'utile à l'agréable. Sortir le sac de plage pour en faire votre sacoche de travail, les tongues et le maillot de bain en guise de lingerie. Vous allez dire que je raconte n'apporte quoi. Même pas. Vu à la BnF cette semaine. Je ne dois pas être la seule à baver à la seule idée d'un été à buller...

- Pas besoin d'aller à la plage pour draguer: Michel Pastoureau expliquait en 1984 à propos des médiévistes que l'on n'allait déjà pas à la BnF seulement pour travailler, mais aussi pour être vu, pour rencontrer, pour "draguer". Si, si. Et notre historien d'expliquer les stratégies ad hoc:
"Derrière le long pupitre, en faisant semblant de consulter le dictionnaire de Du Cange, ou celui de Godefroy, on dispose d'un observatoire privilégié pour regarder, prendre son temps, choisir, se préparer. "
Si vous ne me croyez pas, c'est à lire ici, sur persee.fr, dans la Revue Médiévales, année 1984. La BnF a changé, pas sûr que les méthodes en aient fait autant, hahum...

Moralité: quel besoin d'aller passer l'été ailleurs?


Quoi, j'essaie de me remonter le moral comme je peux...



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20/07/2010

"La reine se meurt, la reine est morte"

Quand en 1683 Marie-Thérèse d'Autriche, discrète épouse de Louis XIV, décède, plusieurs médecins ou chirurgiens, à Paris ou à la cour, ont probablement poussé un soupir de découragement. S'ils avaient eu le droit, si on les avait écouté, la reine aurait survécu! Ce n'était qu'une infection bénigne. Un abcès sous l'aisselle, soigné à grand renfort de saignées et d'emplâtres humides, quand un coup de lancette aurait suffi.

Oui, mais les premiers médecins du roi avaient le dernier mot, leur rang leur donnait autorité. Que de meilleurs praticiens détiennent la vérité n'était pas admissible.

Ce genre d'histoire remplit les nombreux volumes des mémoires de cette langue de vipère qu'était le duc de Saint-Simon. Et cela nous fait rire, avant de conclure "Heureusement, nous avons bien changé, il n'y a plus ce fatras de privilèges et de pompeuses préséances autour du prince, la république, ya que ça de vrai". Pour la question des privilèges, voyez les cortèges de fonctionnarisés - y compris les enseignants - ou employés de grandes compagnies de service dit public qui descendent dans la rue dès qu'il est vaguement question de toucher, non à leurs privilèges, mais à leur statut spécifique, à leurs régimes spéciaux. Un certain nombre de ces régimes spéciaux remontent aux conditions de travail d'il y a cinquante ou cent ans. Mais il est pour ainsi dire impossible de revenir sur des acquits. Pendant ce temps, le métier de pompier n'est pas classé dans les métiers à risque. Cherchez l'erreur.

J'aime l'idée de démocratie, de république, et les symboles républicains. À condition que la république ne fasse pas pire que la monarchie, soit inscrire l'égalité à ses frontons et la bafouer aussi régulièrement que possible. Au moins, la monarchie ne masquait pas ses principes, les appliquait et admettait même des entorses quand ils étaient irréalistes ou irréalisables sans danger. Voyez les possibilités d'acension sociale, d'anoblissement tacite ou non, les mariages entre familles nobles et roturières, malgré la séparation juridico-culturelle et sociale entre les trois ordres.

La croyance selon laquelle être issu de tel ou tel corps rend digne des meilleures places, cela n'a pas non plus disparu, chassez le naturel, etc., etc. Il y a dans l'éducation nationale, une croyance selon laquelle être issu d'une grande école - comme l'ENS - constitue une garantie. Ce sera nécessairement un bon enseignant, un bon chercheur. Ou en tout cas, qu'il vaut mieux recruter un ancien élève d'une grande école, que l'on connaît pas, plutôt qu'un enseignant issu de l'université, que l'on connaît.
Mon propos n'est évidemment pas de remettre en cause les compétences des Normaliens, je suis assez mal placée pour cela, mais de manifester une certaine lassitude face à certains réflexes. On entretient des légendes que l'on sort systématiquement aux étudiants "Sans l'agrégation, ne pensez même pas obtenir un poste dans le supérieur". C'est faux, on le sait, mais cela permet de trier la masse, pour ne retenir que les obtinés, les plus courageux. Les exemples d'enseignants du supérieur non agrégés abondent malgré tout. Exemples qui contiennent de bons et de mauvais enseignants, comme on voit des Normaliens être de (très) bons enseignants comme on en voit de (très) mauvais.

Oui mais voilà. Comme au siècle de Louis XIV, il faut s'avouer que les compétences, vérifiées au fil du temps, valent plus que les valeurs ou des critères hérités d'une époque antérieure. Ce n'est pas la division de la société en trois états - clergé, noblesse, roturiers - qui a bloqué la société. C'est que le deuxième ordre est resté attaché à des interdits - comme celui de pratiquer le négoce, et par extension, de s'intéresser directement au développement de sa fortune, au moyen de l'innovation.

Pour en revenir au XXe siècle, il était logique quand l'École normale supérieure préparait les enseignants de lycée, quand l'agrégation était le seul concours de recrutement à ce niveau-là, d'attendre d'un candidat à un poste universitaire qu'il soit issu de l'ENS et qu'il soit agrégé. Aujourd'hui, être issu d'une grande école démontre des qualités intellectuelles et scolaires. Mais cela ne prouve pas tout. De nombreuses études sociologiques ronronnent les mêmes résultats, être normalien est aussi le fruit d'un cursus particulièrement suivi par des parents avisés, des enseignants attentifs à déceler les meilleurs élèves. Il y a cependant un progrès depuis l'Ancien Régime: tout le monde en droit peut entrer à l'ENS. On sait cependant que c'est un cursus que l'on prend plus facilement quand des parents sont eux-mêmes enseignants, conscients du caractère essentiel de la réussite scolaire, ou quand les enseignants de ces enfants sont attentifs à déceler un potentiel.
Mettez un enfant de la famille Le Quesnoy dans une famille lambda - Groseille si ça vous chante -, avec des enseignants bons mais qui n'ont pas ce grain de génie que j'ai trouvé à l'université auprès de plusieurs de mes enseignants (dont la majorité n'avait fait ni Ulm ni les Chartes), ses chances d'entrer dans une grande école sont extrêmement faibles. Mais que l'on arrête de culpabiliser pour autant les parents enseignants. Le seul souhait que l'on puisse faire est de donner davantage de chances à tous les enfants de mettre en valeur leur potentiel. Chacun a ses dons propres. C'est le rôle des adultes, parents et enseignants, de le découvrir et de le faire pousser. C'est là que les valeurs de la république vont s'épanouir.

Se borner à recruter d'anciens élèves de grandes écoles, c'est ignorer l'apparition depuis cinquante ans de nouveaux critères de sélection comme le CAPES, certes moins élitiste. Si avoir l'agrégation est un gage (relatif) de qualité, ne pas avoir l'agrégation n'est pas gage de médiocrité... Ne retenir que les enseignants qui n'ont jamais mis les pieds dans un collège ou un lycée, c'est ignorer de formidables enseignants qui aimeraient prendre un peu de hauteur, sortir des programmes du secondaire, s'adresser de temps en temps à un public qui a choisi d'être là, dans cette filière précise.

Par solidarité de corps ou conviction que l'élite est là et nulle par ailleurs, on laisse sur le bord de la route des enseignants fabuleux. Rassurez-vous, mes chevilles vont très bien, je ne parle pas de moi, ni pour moi. Je voulais rendre ici hommage à un de mes anciens enseignants de lycée, un des plus fabuleux professeurs que je n'ai jamais eu, dont les compétences ont été remises en cause récemment par des parents d'élèves. Et qui n'a jamais eu sa chance à l'université. J'ai découvert auprès de lui la même passion communicative pour sa discipline et la même rigueur intellectuelle qu'auprès de mes meilleurs enseignants à l'université. Au lycée où il moisirait, s'il n'était pas de l'étoffe de ceux qui résistent, une administration convoque et reconvoque à la moindre pécadille ses enseignants, dans un travail de sape morale dont le but est clairement de fermer des filières, pour faire des économies. Tandis que la vraie gabegie est de laisser se perdre des générations d'élèves en les encourageant à la contestation des qualités de leurs enseignants les plus chevronnés. En les habituant à la contestation stérile et revendicative, au nom de droits mal compris, en les incitant ainsi à ne pas soumettre leur esprit à la discipline de la réflexion. Pourtant, contribuable comme tant d'autres, je ne suis pas portée à l'augmentation des impôts, et encore moins s'il s'agit de ponctionner une fois de plus le privé pour financer le public.
Hélas, j'ai peur qu'à force d'avoir manifesté à la moindre réforme, le corps des enseignants ne se soit discrédité. À force de crier "Au loup! Au loup!" qui, en dehors des enseignants, peut croire encore la gravité des attaques actuelles envers l'agrégation d'histoire, le CAPES de lettres classiques? Elles sont graves, gravissimes mêmes, comme sont gravissimes et scandaleux ce harcèlement moral ou cet abandon qui caractérisent les directions de tant d'établissements du secondaire.

Une telle situation ne se trouve pas - encore - à l'université. Du moins, je ne l'ai pas rencontrée encore. Des bassesses, des mesquineries, oui, comme ailleurs. Mais un lynchage sournois des enseignants face aux étudiants, pas encore. Pour le recrutement des nouveaux Maîtres de conférence, il paraît que l'on se fie de moins en moins au CV et de plus en plus aux preuves données à l'usage par des enseignants contractuels, dans ce que l'on appelle "le recrutement local".
On prend en compte depuis quelques années - dans l'évaluation des cours, non dans le recrutement - l'avis des étudiants, qui préfèrent rarement les médiocres. Espérons que cela soit vrai.

La question saugrenue que je me pose est donc la suivante: que me suggérez-vous pour soudoyer mes étudiants? Histoire que j'atteigne la meilleure cote de popularité... à défaut de devenir titulaire. En attendant, l'Éducation nationale subit des coups fatals, mais jalouser les millions en jeu dans l'affaire Bettencourt semble plus intéressant.


P.S.: à propos de mes billets angoissés de juin, tout va bien pour moi, un poste m'attend à la rentrée...
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