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Une envie de livres ?

24/11/2010

Les apprentis sorciers ès éducation

Ce gouvernement devrait danser le tango, un pas en avant, deux pas en arrière. C'est devenu une habitude. Faire traîner une sale rumeur, laisser filtrer quelques propositions extrémistes. Mieux, obtenir la caution de quelques personnalités sympathiques, non susceptibles d'"umpmania". Veuillez pardonner ce néologisme. Et puis annoncer une mesure plus modérée pour dédramatiser et montrer la clémence du prince. Sauf que parfois, ça ressemble salement à la politique du hasard, teinté d'un quelque chose de Goethe et de Dukas, le talent en moins et sans maître à la fin pour réparer les dégâts. Dans tous les cas, il y a de quoi être inquiet.

C'est le scénario (qui commence à être usé jusqu'à la corde, peu importe on a changé une partie des apprentis) que l'on vient de nous jouer à propos des notes en primaire. François Fillon l'a finalement assuré, non, les notes à l'école élémentaire ne seront pas supprimées. Dans le rôle des personnalités sympathiques, il y avait Pennac, Rufo, Roccard, Kahn et Cyrulnik. Excusez du peu. Dans le rôle des auteurs de propositions loufoques et Zeus merci, pas écoutés, il y a Camille Bedin. C'est grâce au blog de Natacha Polony et à celui d'un professeur au pays des merveilles (blog je suis en retard) (et je vous assure que l'éducation nationale est VRAIMENT le pays des merveilles, surtout en ce moment), que j'ai découvert le fabuleux blog de Camille Bedin.

Et là j'ai vraiment eu envie de ressortir mon punching-ball pour éviter de penser à une arme plus violente. Parce qu'entendre une demoiselle de 25 ans, qui n'est pas enseignante, déclamer ce qu'il faut faire pour réformer le système scolaire, en mêlant joyeusement vieilles lunes, pratiques aussi anciennes que le(s) mammouth(s) et idées aussi naïves que consternantes, ça me fait dédramatiser mes ennuis de petite (apprentie) chercheuse. En moins d'une seconde. Merci Madamoiselle Bedin.

Je résume: la demoiselle a fait Sciences Po et l'ESSEC et elle est encartée à l'UMP; à 21 ans elle "co-fondé" une association agissant pour les lycéens de ZEP conventionnés avec Sciences Po. Ah oui, j'oubliais, elle a une carte à l'UMP et elle était ces dernières années déléguée nationale des Jeunes populaires à la vie étudiante. Donc elle est devenue secrétaire nationale UMP à l'égalité des chances.

Ses combats:
- "mettre fin au traumatisme du passage du primaire au collège: l'entrée en 6e est souvent traumatisante" Pauv' petits chats. Ça marche aussi pour moi, pour vous, qui avons été de pauvres petits chats. Moi ça m'a rendu malade d'anxiété pendant une soirée, mais une année avant (oui je suis bizarre), après c'était plié, ne restait qu'une hyper fierté.

- "impliquer les parents en leur ouvrant une salle spécifique, en organisant des réunions dans l'année pour leur expliquer ce qui se fait à l'école, comment aider l'enfant à apprendre"... Comme si on ne faisait pas déjà ça. Elle a déjà entendu parler des rencontres parents-prof où l'on ne reçoit quasi jamais que des parents d'élèves sans problème? Elle voit un peu la gueule que ça a une réunion parents-profs, où l'on attend le client jusqu'à 21 heures, soit le père de Joredan et de Marie-Sixtine, qui viennent, ou pas, et quand ils viennent c'est pour faire 1/ des compliments 2/ le dos rond parce que Joredan a expliqué à son daron (à la main lourde) que vous n'étiez pas du genre à rigoler ou 3/ vous apprendre comment faire votre métier, pourquoi pas, ça peut être drôle si c'est un soir où j'ai envie de rigoler, contrairement à ce que dit Joredan, ça m'arrive, surtout quand j'ai, à proximité, une porte où me coincer les doigts. Les parents de Marie-Sixtine, c'est simple, je ne veux pas les voir. Enfin une fois par an, ça suffira largement, la demoiselle étudie bien, RIEN à redire, qu'est-ce que vous voulez que l'on échange à part des compliments? Mais ceux de Jérémie, ouaich, j'aimerais bien. Qu'ils pensent à l'habiller le matin. Parce que le marcel sous la doudoune en plein hiver, non. La trousse détruite à la Toussaint, les insolences de Jérémie, les refus de travailler, les devoirs non faits, j'aimerais bien POUR Jérémie que ça cesse.

- "faire signer aux parents une charte d'engagement sur les droits et devoirs des enfants". Et qu'est-ce que ça va changer, ma brave dame? Rien du tout, face aux parents de Pauline ou de Sulyvan qui vous écrivent sur le carnet de correspondance que leur précieux rejeton "ne ferat pas la punission, il l'a pas mérités".

- "trois rendez-vous annuels entre parents de chaque élève et enseignants". Héhé: si l'on compte entre 100 et 500 collégiens par enseignant, selon la matière, histoire-géo ou arts plastiques, 300 à 1500 rendez-vous par enseignant. Héhé. La bonne blague. Remarquez, tuer les enseignants à la tâche, c'est un moyen comme un autre de faire des économies. Et le premier qui vient dire que durant les premières années, la préparation de 18 heures de cours n'est pas un job à temps plein, je le mets au défi de les faire et bien faire les 18 heures. C'est faisable, mais c'est déjà un temps plein. Alors si Mademoiselle la secrétaire nationale pouvait compter comment ses propositions se traduiront sur le terrain, ça nous ferait gagner du temps.

- utiliser les espaces numériques de travail (ENT dans le jargon éducationationalesque) pour communiquer avec les parents. Ben voyons. Et tant pis pour ceux qui n'ont pas encore internet (les pauvres nuls hein?)

- apprendre aux enseignants à " gérer une relation avec des parents" parce que cela ne s'improvise pas: "ne pas parler de l'enfant en public, avoir un vocabulaire adapté, choisir un lieu approprié, gérer le conflit, rester modeste et relativiser ses propres savoirs". Alors là, dites-moi que c'est un gag. Dites-le moi, je vous en supplie. Non mais elle croit quoi?! Que l'on revêt spécialement notre blouse grise et que l'on se compose un air méprisant? Gérer le conflit, c'est apprendre la boxe thaï? Quelques notions d'arts martiaux pour parer les coups sans les rendre?

- « Interdire le redoublement en CP », « Je suis contre le redoublement en général. Le fait de vouloir l'interdire en CP est symbolique, car je considère qu'un enfant de six ans n'est pas responsable de son échec. Ce n'est pas de sa faute, le problème vient soit de l'accompagnement des parents, soit de la pédagogie », avance-t-elle. Que ça ne soit pas de la faute de l'élève soit. Mais faut-il le pénaliser en passant par dessus l'apprentissage et la maîtrise de la lecture et de l'écriture? Ce qui va le rendre incapable de suivre et le mettre à l'écart? Où est le traumatisme dans cette affaire?!

- « en finir avec la dictature des notes ». Pauvres petits chats (bis). Là c'est un morceau de choix, je vais y revenir.

- et enfin « Aux États-Unis, dès le plus jeune âge, les enfants participent à des concours lancés par de grandes entreprises, afin d'imaginer un nouveau logo, ou un nouveau slogan. On pourrait très bien envisager une entreprise telle que Danone organiser le même type de concours auprès de jeunes de CM2 ou de 6e. Cela permettrait d'encourager l'esprit d'initiative des élèves, leur créativité, mais aussi le travail en équipe ».
J'ai fait ça, il y a plus de quinze ans, quand j'étais élève au collège, mais c'était pour faire une affiche incitant à apprendre le latin. Sic transit gloria mundi comme disent les jésuites. Maintenant, c'est Danone qui est valorisé à l'école.  Intéressant, non? Loin de moi l'idée de cracher sur les entreprises, je serais très très mal placée pour faire cela, mais euh... est-ce la seule façon de développer la créativité des mômes? L'entreprise cotée en bourse est donc la seule forme d'entreprise valable?

Heureusement, pour sa défense, il n'y a pas que des âneries. 

- « rendre la maternelle obligatoire dès trois ans », Rendre obligatoire, au nom de quoi? Quand les parents sont manifestement incapables d'élever leur progéniture, c'est ça? Pourquoi pas les envoyer directement au pensionnat à 3 ans... La seule chose sensée dans ce galimatias est la proposition d'une « meilleure adaptation des modes de gardes ». C'est une nécessité à peu près aussi neuve que la découverte de la Lune, mais au moins ce n'est pas une bêtise.

Les notes.

Une petite anecdote personnelle: j'ai échoué à apprendre à lire lors de mon année de CP (la méthode était globale, hasard, pas hasard, sais pas). Ma mère s'est inquiété en mars que je ne sache pas lire, même pas un début, elle commence un échange de courriers avec l'institutrice, bref celle-ci pensait que j'étais légèrement sourde ( Shocked ) et ça s'est fini avec un changement d'école en mai, avec engagement pris avec l'enseignante, que ma mère me ferait rattraper mon retard pendant l'été pour que j'intègre le CE1. Bon, il se trouve qu'en CE1 je m'impatientais parce que tous mes petits camarades ne lisaient pas avec aisance.
Ce qu'il m'en est resté, et sans qu'il soit question de notes, c'est la douleur d'un échec, alors qu'il avait été corrigé. Je n'avais pas su apprendre comme les autres, sur un truc basique comme la lecture. Avec le temps, une vingtaine d'années plus tard, des succès à l'université, j'ai réussi à tourner la page (même si là, tout au fond, il y a une saloperie de toute petite petite petite voix qui me dit quand je n'arrive pas à quelque chose, "c'est normal, tu n'aurais jamais dû réussir... ta réussite c'était une erreur!").
Protéger les enfants de la douleur d'un échec sur l'apprentissage élémentaire, évidemment, mais la solution de la suppression de notes me semble ridiculement inadaptée. Faire en sorte que tous les mômes sachent lire à la sortie du CP et lisent aisément à la fin du CE1, en mettant le paquet (en nombre d'enseignants, en rattrapages dès le premier flottement) coûterait tellement moins cher que d'essayer de recoller les pots cassés en collège, en lycée voire plus tard... Cela éviterait bien des traumatismes ou souffrances immédiats et ultérieurs...

Cela éviterait de voir arriver à l'université des élèves gentils, mais... "capable de rédiger des commentaire ou je préféres pas compté le  nombre de faute parce que j'irai me pandre sur le chant. Peut-être chère Mademoiselle Bedin, qu'il y a d'autre priorité que d'écouté les plintes des éléve qui ne son pas toujour les mieux placer pour dire ce qui va pas dans leur formassion".  [sans rire c'est le type et le nombre de fautes par phrase que l'on trouve dans... 10 à 20 % des copies d'étudiants]. J'arrête parce que les fautes, ça va cinq minutes, surtout dans une copie de bachelier, ça me rend malade. Je vieux bien que l'élève soit tout sauf accessoire, (sans le mettre au centre de tout comme certains pédagogues nous l'ont répété) je ne suis pas folle merci. Mais peut-être, peut-être, que pour changer, on pourrait écouter, juste de temps en temps ce que les professeurs ont à dire. Et pas besoin d'aller loin. Il suffit, Mademoiselle Bedin, de passer un mois d'observation en classes élémentaires. Vous apprendrez énormément. Mieux. Devenez enseignante. Je vous assure que tant que l'on n'est pas passé de l'autre côté du bureau, on n'a pas idée de ce que c'est que ce métier. Même quand on en rêvait depuis l'enfance. 

Les enfants paieront, pas les décideurs. Ce n'est donc pas grave. Quoi, ces décideurs veulent défendre l'enfance? Laissez-la tranquille, elle est malheureuse mais moins qu'entre vos pattes de réformateurs aveugles.
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20/11/2010

L'abus de colloque

Je le savais que je n'allais pas pouvoir, je le savais! Quoi? ...me remettre à la thèse, cette semaine! 
J'avais juste négligé une correction à préparer, un tas de trente dissertations à corriger en quarante-huit heures, un cours à termin non continuer, des cours supplémentaires à donner, bref... Ah et un colloque à ne pas rater (enfin, ce qu'il en restait, vu qu'il commençait mercredi, en pleine semaine de cours) ce qui fait que j'en ratais un autre (toutes façons pas à Paris et pas de sous pour y aller), une inscription à terminer, une AG d'association d'historiens, tout ça, plus les nécessités ordinaires d'une vie bassement matérielle où il n'y a ni employé de ménage ni cuisinier. 

Il n'y a pas à dire...





Promis, je reviens, si j'ai du temps demain, je taille un costume à une secrétaire nationale machinchose, festonné de copies d'élèves.


(ça sert, d'apprendre à manipuler des outils de retouche graphique pour faire de bôôô schémas cartographiques juste pour la thèse ?! Je suis mûre pour l'affiche de colloque, moi...)





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13/11/2010

Le lecteur, voilà l'ennemi!

Je suis revenue récemment de la BnF, celle de Richelieu, particulièrement agacée. Après avoir ri, pour ne pas me fâcher. Comme les marins qui parlaient tout au plus du cousin du lièvre et non du lapin, je préfère ne pas dire que j'étais sur le point d'exploser de rage, pour ne pas me laisser aller à la fureur. Il n'empêche que.

Quand autant de conservateurs se montrent attentifs à faciliter les conditions de travail des lecteurs, il en faut encore pour vous sortir que "surtout, vous faites vite vos photos, hein, déjà que ça ne fait pas de bien aux manuscrits". Quand le cliché est pris sans aucun flash, sans tordre le document, quand la photographie diminue le temps d'exposition à la lumière du jour, qui seule, pourrait, à ma connaissance, abîmer l'archive, j'aimerais bien que quelqu'un m'explique l'origine de cette idée persistante chez certains conservateurs ou archivistes, ça m'arrangerait. Je me coucherai moins bête.

Une fois encore, j'aime bien la BnF Richelieu. Mais mauvaise pioche, autant la salle de consultation actuelle (provisoire) est très bien conçue avec, enfin! des sièges confortables, qui se glissent sous les tables, ce qui permet de reposer le dos pendant les longues heures de lecture, autant la nouvelle politique de communication est exaspérante. 

J'ai commandé il y a quelques semaines un document étudié partiellement l'an passé, pendant plusieurs semaines, vu la taille de la bestiole. Au moment de le faire mettre de côté, le pauvre magasinier me signale que je ne peux le mettre de côté qu'une journée, et uniquement le lendemain. La consultation est bornée à deux jours consécutifs. Au delà il faut redemander une autorisation de consultation. Alors que la présidente de salle tiquait en me voyant prendre (avec son autorisation pourtant) les clichés des vingt pages autorisées. 

J'aimerais bien que l'on m'explique comment l'on va pouvoir continuer à étudier des registres de six cents pages, si l'on ne peut prendre plus d'une vingtaine de photographies pour l'étudier en le manipulant le moins possible, ou si l'on doit tous les deux jours attendre une nouvelle autorisation de consultation? Au passage, quand on est enseignant, nos journées consacrées aux manuscrits sont fractionnées par les journées de cours. Donc cette affaire de "journées consécutives" devient ahurissante, totalement déconnectée de la réalité des conditions de travail des enseignants chercheurs. Comme je n'ai pas l'intention de me confronter à ce problème dans l'immédiat, je ne vais pas prendre le problème de la consultation de ce registre à bras le corps, là, tout de suite, maintenant. Sur le site de Tolbiac, c'est pire encore, pas moyen de "mettre de côté un document" fragile ou précieux dont on a obtenu la consultation. On se retrouve dans l'obligation de consulter des document de quatre ou cinq cents pages en une journée, à moins de disposer d'un appareil photo pour le mitrailler, si le conservateur n'y est pas opposé, pour les mêmes raisons mystérieuses que celles indiquées plus haut. Il y a de quoi s'inquiéter. 

Rajoutons, pour faire bonne mesure, que depuis le transfert dans la nouvelle salle, à Richelieu, il n'y a plus que quatre "levées" par heure, soit quatre créneaux pour obtenir des commandes de documents. 

Il me semble loin le temps où les consultations à Richelieu étaient plus aisées qu'aux Archives nationales... Ces dernières avec leurs grèves récurrentes et leur fermeture obstinée à 16h45 me semblent un havre de paix pour chercheurs...
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12/11/2010

Moi, madame, la religion, ça m'emm***

Lorsque l'on accueille les étudiants en première année, dans l'ensemble, passés les premiers mois, ils comprennent assez bien que faire de l'histoire, c'est refuser d'adopter un parti pris, ou plutôt cela implique de se glisser tantôt dans la peau de l'un, tantôt dans la peau de l'autre, regarder avec les lunettes de chacun, multiplier les points de vue, en cherchant à oublier ses propres opinions, parce que l'historien est en quelque sorte l'avocat de tout le monde.

Mais lorsqu'il est question de religion, souvent un étudiant au moins sur trente, déclare: "Ah moi, non, l'histoire religieuse, ça m'emm***, parce que  je suis athée". Pire "Ah moi, je refuse d'entrer dans une église!". Encore, on a de la chance quand ne vient pas l'argument suprême, "de toute façon, la religion c'est à cause de ça que les hommes se f*** sur la g***". Bon, bon, bon, reprenons tout ça. 

Au bout de quelques années, les étudiants comprennent en règle générale que l'argument religieux sert souvent de masque à d'autres arguments encore moins glorieux. Quand le roi d'Espagne se pose au 16e siècle comme le roi catholique, la religion n'est alors qu'un masque idéologique à la volonté de puissance, pour reprendre l'excellente formule de Joseph Perez, historien de l'Espagne moderne. En gros, c'est parce que Charles (Quint), il veut en mettre plein sur la g*** de François (Ier) qu'il crie à qui veut l'entendre que lui, il défend la foi. Cela fait déjà quelque temps que l'on sait que les guerres dites de religion sont d'abord des guerres politiques entre grands clans nobiliaires. Et même lorsque l'on se bat pour sa foi, quand la religion sort de tels conflits religieux, on ne la reconnaît plus, au mieux, qu'à ses godasses, comme dirait quelqu'un de ma connaissance.

Refuser de s'intéresser à une période historique parce qu'elle a été marquée par le religieux alors que l'on est soi-même athée, c'est borner sa curiosité au monde que l'on connaît déjà. Ou bien, refuser de s'intéresser au protestantisme parce que l'on est catholique (toutes les configurations sont possibles) c'est tout autant regrettable. Alors que précisément, c'est ce qui est étranger qui doit logiquement intriguer, attirer l'historien. Mais souvent face à la religion, le rideau tombe. Au contraire, l'historien est par nature un curieux, curieux de tout, avide de découvrir, de percer le sens des choses les plus ordinaires.

C'est comme si, face à la religion, il y avait une crainte, celle d'être séduit? L'argument me semble léger, mais je n'en vois aucun autre. Je  n'ai aucune crainte pour ma part à entrer dans un temple de quelque religion que ce soit, une mosquée, une église. Au contraire, je trouve fascinant que tant d'hommes aient pu consacrer leur vie à la construction et à la décoration de tels monuments.

Le problème, c'est que la méconnaissance provoque la méfiance, le rejet. Ce n'est pas une formule, j'en ai fait l'expérience il y a pas mal d'années de cela. En rejetant les choix religieux ou l'athéisme, on refuse de comprendre au sens "admettre par quel processus tel individu en arrive à croire en ceci ou cela". Et tant que l'on refuse de comprendre les choix religieux ou areligieux, lorsque l'on se ferme à un courant politique ou religieux, on se ferme à l'autre et j'ai peine à comprendre comment on peut faire oeuvre d'historien. C'est en cela que faire de l'histoire permet d'être encore plus citoyen ouvert aux valeurs de tolérance et d'ouverture aux autres.

C'est bien la raison pour laquelle il ne faut absolument pas confondre laïcité et ce que l'on pourrait appeler "laïcisme". Que notre État soit laïque implique que toutes les religions soient admises et mises sur un pied d'égalité. À ce titre il me semble normal, comme enseignante, de remiser pendant la semaine tout bijou à symbole religieux. Ne pas montrer d'opinion religieuse, ni par des signes vestimentaires, ni par des discours. L'historien parle de l'athéisme comme du catholicisme, du protestantisme, de l'islam ou du judaïsme. C'est en quelque sorte la garantie de son respect des règles scientifiques. La distinction entre la vie privée et la vie publique ou professionnelle.

Je reste en revanche abasourdie devant l'extrémisme de certains qui au nom de la laïcité hurlent d'entendre parler de christianisme ou d'islam à la radio, qui se scandalisent d'une femme voilée dans la rue. On en arrive alors à interdire à quelques-uns l'expression de leur foi ou la mention même de leur existence, au nom du respect des croyances de quelques autres. Quand une intolérance en remplace une autre... Non, la tolérance n'est pas une indifférence à tout, elle est respect de tous.

Pour pouvoir admettre l'existence de l'autre, il faut chercher à le comprendre, ou admettre l'idée d'essayer de le comprendre, au sens d'admettre le processus logique qui a fait adopter tel principe de foi, il faut connaître et abandonner la méfiance systématique. Malheureusement, nous en sommes encore loin. Dire, en effet, que l'on en est encore à se poser la question de la nécessité de cours sur les religions du monde, que l'on confond avec des cours d'enseignement de la foi... La route vers la tolérance est encore longue.
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11/11/2010

La Maison de l'histoire, débats et coups bas, la réponse de Pierre Nora

Quand il sort de la bouche d'un professeur une évaluation d'une prestation, si les premiers mots sont positifs, les derniers sont souvent désagréables, et aux premiers mots l'on sait que la prestation n'a pas été bonne. Et vice versa. 

Pierre Nora est sorti de son silence pour adresser dans le Monde d'aujourd'hui 11 novembre, une lettre à F. Mitterand, ministre de la culture pour au moins quelques jours encore, à propos du projet présidentiel de Maison de l'histoire. 

Ça commence bien, ça finit largement moins bien. Le ton est parfait, élégant et mesuré, le message en est d'autant plus cinglant. Au fond, c'est un des plus grands historiens du XXe siècle qui donne une leçon, point par point, argument par argument. Solide comme un mur de pierre de taille, imparable. Je vous laisse le savourer ici, sur le blog Passion Histoire. Indécision des dirigeants, échec de tous les projets semblables, (dont le Musée de l'histoire de France, à Versailles, par Louis-Philippe) pluralité des opinions et des regards français, péché originel d'un projet lancé dans un contexte de défense de l'identité nationale, hostilité des professionnels, polémique sur le site, flou du projet...

Les historiens ne sont pas bons dans la querelle et le face-à-face. Faits pour la réflexion et la mesure, ils ne sont pas formés au discours creux et illusionniste. Nicolas Offenstadt (éminent spécialiste de la première guerre mondiale) poli, mesuré et courtois, qui n'en était pourtant pas à son coup d'essai en matière de critique fondée de la politique présidentielle, (voir sa bibliographie) s'est fait laminer par l'éminence grise de l'Élysée, Henri Guaino, sur France Inter, le 10 novembre, qui n'hésitait pas à couper et à monopoliser la parole, à multiplier les insinuations douteuses à la limite de la paranoïa et de l'incapacité à se remettre en cause: "Si vous vous opposez à N. Sarkozy, c'est par idéologie et non en tant qu'historien". Ben voyons. Quand on n'a plus rien à argumenter de mieux...

Le clou a été d'entendre l'éminence grise dire que le transfert des archives à Fontainebleau allait faciliter le travail des archives.

Le transfert des archives à partir de la deuxième moitié du XXe siècle (voir ici présentation des fonds) à Fontainebleau a suscité une importante polémique, et le site, mal accessible, reste peu fréquenté, d'après mes sources. N'étant pas contemporanéiste, je ne peux vous l'attester de visu. Pour y aller, c'est un peu complexe (euphémisme par litote). Alors une navette gratuite a bien été mise en place, avec départ devant le site du CARAN (hôtel de Soubise, rue des Francs-Bourgeois, dans le 3e). Deux fois par semaine, départ 8h., retour 16h45. Autant dire que si l'on vient de province, il faut loger à l'hôtel ou partir à la nuit noire si l'on vient seulement de banlieue. Et tout cela facilite les conditions de travail des chercheurs. Retenez-moi ou je me roule par terre de rire. Vraiment Guaino nous manquerait presque s'il devait quitter l'Élysée et par le même coup les vêtements de  capucin du bon père Joseph.

Non, Monsieur le président, Monsieur le conseiller spécial, Messieurs les décideurs, les historiens ne sont pas hostiles à tous vos projets, que ce soit la transformation de la BnF Richelieu, la création d'éventuels musées et autres initiatives pédagogiques malheureuses. Ils sont las, seulement, que vous vous serviez de l'histoire  pour servir votre gloire, en ignorant superbement ce qui se fait déjà, en vous moquant éperdument de ceux qui tentent de la faire vivre sans grands discours, sans grands moyens (la plupart du temps), dans les classes, les centres d'archives et les bibliothèques. Pour se vouloir Louis XIV ou seulement Louis-Philippe il faut autre chose que la construction d'un copie de Versailles, palais ou musée.

Aussi la réponse de Pierre Nora était aussi nécessaire que parfaite. Merci Monsieur Nora.
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09/11/2010

16h31, une fonctionnaire et des fonctionnaires

Parfois, j'aimerais être fonctionnaire. Ça dure en général cinq secondes, avant que je me rappelle que je le suis déjà. J'essayais de contacter cet après-midi-là mon école doctorale. La bonne blague. Histoire de pouvoir  avoir accès à la plate-forme informatique afin de commander l'impression du papier manquant (évidemment) dans le dossier d'inscription. Lequel dossier est de ce fait coincé depuis une dizaine de jours dans le bureau de la responsable administrative parce qu'il manquait ce fameux papier, une demande de dérogation. Enfin il manquait ça et puis aussi une lettre de motivation. La plate-forme est accessible, mais le site de réinscription n'est pas ouvert. Pourquoi? Comment? Sais pas. Est-il fermé définitivement? Ouvert à cette date seulement au personnel? Sais pas. Reste à joindre la responsable pour lui demander de me l'envoyer ou de m'ouvrir l'accès.

Mauvaise pioche, à 16h31, alors que je cherchais à joindre le bon service, celui-ci était déjà fermé. C'est le genre de situation qui me fait méditer sur l'égalité dans notre bonne république. C'est comme les fonctionnaires, il doit y en avoir de plusieurs espèces, de l'égalité comme ci et de l'égalité comme ça. Le meilleur, c'est quand même qu'en appelant l'université, j'ai le choix entre prendre connaissance des jours et heures de fermeture de l'université et contacter le PC sécurité. J'ai fait bugger la boîte vocale en demandant à connaître les jours et dates d'ouverture.

Vu que je fais partie de ceux qui, comme des imbéciles, travaillent encore à 16h31 et même en général jusqu'à 20h, ça me plonge dans un abîme de consternation. Une journée qui se finit à 18h est pour moi une journée de chance, payée souvent par quatre ou cinq jours précédents où il vaut mieux ne pas regarder l'heure à laquelle je quitte ma chaise (mon chat peut témoigner). 

Dans ces moments-là, je suis prise d'un sentiment d'exaspération qui me fait dire que si le métier d'historien est un métier de solitaire, c'est tant mieux pour mes collègues. Parce que mon humeur massacrante pourrait tomber sur le premier venu, croisé dans un couloir.

Et je ne vous parle même pas de la lettre de motivation exigée pour pouvoir se réinscrire en thèse. Et c'est là que vous êtes en droit d'imiter les mouettes du bassin du Luxembourg, pour rigoler ouvertement (oui, mouettes rieuses, etc etc.). Rédiger une belle lettre de motivation pour expliquer pourquoi et comment vous tenez à faire un chèque de plus de trois cents euros alors que vous n'utiliserez au mieux que l'emprunt de livres à la bibliothèque. Le laboratoire? Sais même pas s'il y a un local à ce nom. Un ordinateur? Ah non, il est à moi, payé avec mon premier salaire de prof. D'ailleurs il commence à dater. Imprimante? Scanner? Logiciels? Fournitures de bureau? Photocopieuse? Ah non, tout ça, c'est à moi, enfin c'est moi qui l'ai payé. Et en  plus je dois rédiger une lettre de motivation pour expliquer au monsieur à quel point j'ai envie de terminer ma thèse. Sans rire. 

Je me demande quels arguments je peux sortir: "vous voyez, il fait chaud chez moi à travailler, je suis bien , j'aimerai bien y rester..." Pas très opérant. Non, vraiment, je ne vois pas. Bon, alors, comme une imbécile, je faire continuer ma journée en retournant à la préparation de mes cours. Ça au moins, c'est ouvert et possible.
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05/11/2010

En vrac (ter) !

Depuis quelques mois, figure dans les liens des sites recommandés, celui des Clionautes. Il s'agit d'une association de professeurs d'histoire-géographie pour l'utilisation des TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation), qui propose par conséquent des "ressources en ligne" pour les enseignants mais pas seulement.

En effet, une page en particulier est intéressante pour tous, que l'on soit professeurs d'histoire ou pas, c'est la Cliothèque qui propose une veille des parutions et de très nombreux comptes rendus, classés par thèmes. Mieux encore, en adhérant, vous soutenez l'association et pouvez proposer vos propres comptes rendus pour enrichir la bibliothèque...

Et puis, voici un bulletin sur l'art médiéval, roman surtout, très attirant (pas eu le temps de tout regarder en détail, mais les premières pages sont très riches). Si vous ne savez pas quoi faire de vos économies, il y a des abbayes cisterciennes à acheter en ce moment. Si, si. 

Bientôt je reviens pour des articles pas en vrac et plus construits.
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