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Une envie de livres ?

11/11/2010

La Maison de l'histoire, débats et coups bas, la réponse de Pierre Nora

Quand il sort de la bouche d'un professeur une évaluation d'une prestation, si les premiers mots sont positifs, les derniers sont souvent désagréables, et aux premiers mots l'on sait que la prestation n'a pas été bonne. Et vice versa. 

Pierre Nora est sorti de son silence pour adresser dans le Monde d'aujourd'hui 11 novembre, une lettre à F. Mitterand, ministre de la culture pour au moins quelques jours encore, à propos du projet présidentiel de Maison de l'histoire. 

Ça commence bien, ça finit largement moins bien. Le ton est parfait, élégant et mesuré, le message en est d'autant plus cinglant. Au fond, c'est un des plus grands historiens du XXe siècle qui donne une leçon, point par point, argument par argument. Solide comme un mur de pierre de taille, imparable. Je vous laisse le savourer ici, sur le blog Passion Histoire. Indécision des dirigeants, échec de tous les projets semblables, (dont le Musée de l'histoire de France, à Versailles, par Louis-Philippe) pluralité des opinions et des regards français, péché originel d'un projet lancé dans un contexte de défense de l'identité nationale, hostilité des professionnels, polémique sur le site, flou du projet...

Les historiens ne sont pas bons dans la querelle et le face-à-face. Faits pour la réflexion et la mesure, ils ne sont pas formés au discours creux et illusionniste. Nicolas Offenstadt (éminent spécialiste de la première guerre mondiale) poli, mesuré et courtois, qui n'en était pourtant pas à son coup d'essai en matière de critique fondée de la politique présidentielle, (voir sa bibliographie) s'est fait laminer par l'éminence grise de l'Élysée, Henri Guaino, sur France Inter, le 10 novembre, qui n'hésitait pas à couper et à monopoliser la parole, à multiplier les insinuations douteuses à la limite de la paranoïa et de l'incapacité à se remettre en cause: "Si vous vous opposez à N. Sarkozy, c'est par idéologie et non en tant qu'historien". Ben voyons. Quand on n'a plus rien à argumenter de mieux...

Le clou a été d'entendre l'éminence grise dire que le transfert des archives à Fontainebleau allait faciliter le travail des archives.

Le transfert des archives à partir de la deuxième moitié du XXe siècle (voir ici présentation des fonds) à Fontainebleau a suscité une importante polémique, et le site, mal accessible, reste peu fréquenté, d'après mes sources. N'étant pas contemporanéiste, je ne peux vous l'attester de visu. Pour y aller, c'est un peu complexe (euphémisme par litote). Alors une navette gratuite a bien été mise en place, avec départ devant le site du CARAN (hôtel de Soubise, rue des Francs-Bourgeois, dans le 3e). Deux fois par semaine, départ 8h., retour 16h45. Autant dire que si l'on vient de province, il faut loger à l'hôtel ou partir à la nuit noire si l'on vient seulement de banlieue. Et tout cela facilite les conditions de travail des chercheurs. Retenez-moi ou je me roule par terre de rire. Vraiment Guaino nous manquerait presque s'il devait quitter l'Élysée et par le même coup les vêtements de  capucin du bon père Joseph.

Non, Monsieur le président, Monsieur le conseiller spécial, Messieurs les décideurs, les historiens ne sont pas hostiles à tous vos projets, que ce soit la transformation de la BnF Richelieu, la création d'éventuels musées et autres initiatives pédagogiques malheureuses. Ils sont las, seulement, que vous vous serviez de l'histoire  pour servir votre gloire, en ignorant superbement ce qui se fait déjà, en vous moquant éperdument de ceux qui tentent de la faire vivre sans grands discours, sans grands moyens (la plupart du temps), dans les classes, les centres d'archives et les bibliothèques. Pour se vouloir Louis XIV ou seulement Louis-Philippe il faut autre chose que la construction d'un copie de Versailles, palais ou musée.

Aussi la réponse de Pierre Nora était aussi nécessaire que parfaite. Merci Monsieur Nora.
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