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Une envie de livres ?

24/01/2011

Enseigner... Oui, mais comment ?

Un petit billet rapide du matin pour vous parler d'un blog pas comme les autres, Enseigner... oui mais comment, né à la suite d'une démission, celle d'une enseignante de lettres,  Claire-Hélène, poussée à bout par la dégradation des conditions d'enseignement de plus en plus catastrophiques. Le blog est tenu par une autre enseignante de Lettres, Véronique Marchais.

Les créateurs de ce site sont des professeurs excédés par les dégradations de leurs conditions d'exercice, qui ne leur permettent tout simplement plus de faire leur métier. Loin de la "grogne syndicale" sur les moyens ou des querelles pédagogiques, nous voulons faire entendre la voix du terrain et rappeler - à nos dirigeants, aux parents - quelques conditions indispensables à tout enseignement - conditions qui ne sont plus remplies aujourd'hui.
Pour les élèves autant que pour nous, pour la possibilité d'une nation instruite, nous nous voulons force de proposition. 
Il s'agit de faire savoir concrètement ce qui se passe dans nombre de classes aujourd'hui et d'établir une liste de revendications destinée aux candidats à l'élection présidentielle de 2012, afin de stopper cette évolution catastrophique.

N'hésitez pas à faire circuler le lien!

édit: le blog s'accompagne désormais d'un site doté d'un forum ouvert non seulement aux enseignants mais à tous ceux qui sont intéressés par les questions d'éducation: ecole.plumeclavier.fr


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18/01/2011

Tout mini tout mimi

Habiter Paris est une chance pour certaines choses, notamment pour la bibliothèque nationale. Ce grand machin (pour ne parler que du site de Tolbiac) a ceci de miraculeux que dès qu'une envie ou un besoin de consultation de livres apparaît, hop ! Dans la journée ou le lendemain, le besoin ou l'envie est assouvi, y compris lorsque cela concernait des livres rares et anciens. Je savoure ma chance, sachant bien que ça risque de ne pas durer toute la vie. Bref. Pour résumer, je ne suis rien qu'une veinarde, le pire, c'est que je le sais.

Mais la BnF, c'est aussi un grand machin où comme dans tous les grands machins  l'on voit les pratiques les plus extrêmes se côtoyer. J'ai déjà dû vous parler ici de l'exaspération suscitée par la consultation très limitée dans le temps d'un ouvrage du 17e siècle. Ouaip. Euphémisme.  Où l'on vous fait braire pour consulter pendant quelques heures un ouvrage énorme. Bienheureux êtes-vous si vous n'avez pas mésestimé la capacité de nuisance de votre prochain et que vous vous êtes équipé d'un appareil photo. Parce que l'autorisation de consultation exceptionnelle à la journée, non renouvelable est une chose qui est née d'un esprit dont la puissance m'échappe. Oui, je sais, raison de sécurité pour le précieux ouvrage. Je me prépare au jour où l'on refusera de sortir le moindre livre des magasins, parce que l'on estimera  l'opération trop périlleuse.

Mais le hasard de la grande machine administrative m'a quand même permis de consulter dernièrement un ouvrage encore plus petit, encore plus ancien (d'accord juste plus vieux de dix ou vingt ans) que le précédent volume, sans même devoir le consulter sur une place de réserve, sans même que cette précieuse chose soit protégée par un emballage de papier gris.  Et ce n'était pas la faute des magasiniers, avec lesquels j'ai discuté. Vous l'avez compris, rien ne m'agace plus que l'excès de précaution et l'oeil soupçonneux du conservateur qui pèse sur mon dos. Au cas où le thésard muterait brusquement en géant baveux et éructant, hache à la main, pour détruire ses ouvrages en consultation. Sait-on jamais. Mais je souffre pour cet ouvrage moins bien traité qu'un poche vieux de dix ans. Parce que la reliure des poches, ça casse quelquefois, et ça leur vaut une consultation dérogatoire et z'exceptionnelle. Voui voui voui. Un bug de l'administration gigantesque.

Je me suis aussi demandé récemment comment citer la page d'un article numérisé sans indication des numéros de page, publié uniquement sur un site internet. Certains esprits naïfs peuvent croire qu'un article en sciences humaines, c'est bâclé en deux pages. Que nenni. Au risque de vous décevoir, si besoin est, non, un article de sciences humaines est souvent plus long. Doit-on indiquer: "utiliser la fonction recherche, svp"? Un encore moins amical "Si vous cherchez un passage, débrouillez-vous?". À moins que l'on ne laisse le lecteur seul devant sa machine, ce qui ne changera guère ses habitudes, à l'ère de la solitude windosienne, associant fausses convivialités facebookiennes et isolement devant l'écran bleu. Si la disparition du livre me semble plus qu'improbable, une technique s'ajoutant souvent plus qu'elle ne remplace une autre, la disparition de la page (à taille humaine, pas les interminables pages informatiques) est plus désolante. Si elle n'a guère d'avenir, le bug informatique ou administratif a encore de beaux jours devant lui. Ça me collerait presque le cafard. Hahum.
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16/01/2011

Enseignant ou CRS ?

Mi-janvier déjà. Le temps file, file, file... Le nez dans mes cours à écrire, ensevelie dans les dossiers d'anciens cours, de bouquins et d'articles. Le plaisir en perspective de retrouver les étudiants à la rentrée. Je sais qu'il ne me reste que peu de mois avant la date prévue de bouclage de la thèse (enfin la dernière date envisagée) alors j'essaie de préparer autant que possible le maximum de chapitres de cours et de travaux dirigés pour me remettre à la thèse aussi vite que possible. Quasi éternel recommencement. Je savoure le bonheur de faire certains cours que j'ai toujours voulu faire. Je savoure aussi le plaisir très nouveau, étrangement, d'aimer enseigner. 

Alors je pense au moment où je vais retourner dans le secondaire. Peut-être la rentrée prochaine (septembre) si je ne trouve pas un dernier contrat, quasi certainement dans un an et demi, à la rentrée suivante. Quand il y a en moyenne six postes de titulaires par an dans l'ensemble de la France, il ne faut pas se faire d'illusion, même avec la thèse en poche, avec la validation du Conseil national des Universités, un poste de titulaire ne tombe pas du ciel. 

Du coup je renoue des contacts avec le secondaire, par le biais de la toile. Histoire de me préparer sans doute aux publics possibles. Parce que même s'il m'est arrivé de croiser le fer avec d'indécrottables étudiants bavards, incapables d'intégrer les principes les plus élémentaires de silence,  de respect, d'obéissance à l'enseignant, je sais naturellement que mon expérience dans le supérieur ne pèsera pas lourd face à certains zozos de collège ou lycée.

La situation est d'autant plus inquiétante que non seulement les stagiaires ont du mal, pour leur majorité, mais c'est aussi le cas des enseignants en poste depuis dix ou vingt ans  qui luttent sans avoir les moyens de vaincre contre des conditions d'enseignement déplorables. Je suis incapable de dire si le phénomène est ancien, je ne m'y avancerai donc pas. Une philosophe, professeur à l'IUFM de Nice, Isabelle Stal, jette un pavé dans la mare en affirmant dans un article publié dans les cahiers pédagogiques (sic) l'existence de liens étroits entre la pensée marxiste et l'évolution de la pédagogie depuis les années 1970.  Elle défend l'idée que l'évolution de la société, les parents et les médias sont bien loin d'être les seuls responsables de l'évolution de l'école. Je vous laisse seuls juges. Pour ma part, je ne crois pas que tous les formateurs d'IUFM et pédagogistes de tout poil soient nécessairement d'extrême-gauche. Mais il suffit qu'une idée soit valorisée, que l'on y croit, pour qu'elle suscite l'admiration et l'adhésion. Encore une histoire d'empereur nu.

À lire les témoignages de professeurs débutants, stagiaires donc, le désarroi et la souffrance sont très fréquents et très pesants. Pas systématiques non plus. Vous trouverez quelques exemples ici dans les journaux (comme La Croix) et dans le blog d'un professeur de lettres, Celeborn. J'ai déjà eu l'occasion de dire, dans un précédent billet écrit sous le coup de l'exaspération, que moins de formation à l'IUFM n'aura pas fait perdre grand chose aux jeunes enseignants. Je pense même que 15 ou 18 heures d'enseignement, sont faisables pour les jeunes enseignants, mais à quelques conditions près: 
- il leur faut une formation occupant tout le mois d'août, solide, concrète, complète: gérer une classe, savoir se positionner par rapport à des élèves, oser s'affirmer, sanctionner, savoir garder la distance;
- il faut mettre à disposition des jeunes enseignants plusieurs types de cours, des maquettes de cours prêtes pour les premiers mois, pour qu'ils puissent concentrer leurs forces sur l'apprentissage de la gestion des classes.
- leur donner de vrais tuteurs, présents, compatissants, humains, disponibles; 
- leur donner au maximum deux niveaux de classes quand la discipline le permet, pour éviter une trop grande complexité des préparations;
- des classes de bon niveau et sans problème de comportement avéré;
- les confier à une hiérarchie qui soutient systématiquement en cas de problème, encourage,  épaule;
- il faut enfin que lors de l'année de stage et des suivantes ils soient nommés dans des établissements tranquilles, le  temps d'apprendre à "être professeur".
J'ai mis des années à comprendre ce que signifiait la formule "être enseignant, c'est être un peu acteur". Enseigner est un métier qui s'apprend par l'expérience mais pas celle de la solitude. L'on ne met pas un boulanger seul devant son four, son pétrin et sa farine en lui disant, "vas-y, maintenant, débrouille-toi!".

Ce sont ces conditions-là qui manquent cruellement, qui font souffrir non seulement des palanquées de stagiaires cette année mais aussi des titulaires chevronnés. Parce qu'un enseignant peut très facilement se retrouver face à un élève qui l'insulte brusquement et le caillasse en pleine salle de cours parce qu'on lui a dit de se taire, de s'asseoir et d'enlever son MP3 de ses oreilles. Ce genre de mésaventure peut se terminer sans trop de problèmes, une fois passé le choc, quand le chef d'établissement et le "conseiller principal d'éducation" jouent leur rôle au lieu de faire preuve de lâcheté et de carriérisme. Car dans ce genre de situation, des chefs d'établissement en arrivent à dire, si l'enseignant fait un malaise après coup "bah! Il n'est pas fait pour être enseignant!". À se demander ce que l'on doit être, enseignant ou CRS en tenue de combat.

Il ressort de tout cela que le ministère est bien plus prompt à exécuter des réformes à la petite semaine plutôt qu'à traiter des problèmes profonds, qui touchent une quantité incroyable d'enseignants aujourd'hui. Pour une fois que ces problèmes ne demandent pas en soi de l'argent.

Oui mais il faut faire autre chose que de la comm' et pire encore, non  seulement avouer l'échec de trente ou quarante ans de dérive (ça c'est presque facile, surtout en rejetant la faute sur les gouvernements précédents) mais affronter des milliers de parents indifférents au sort de leur enfant ou au contraire convaincus que leurs petitsmonchérimoncoeurs sont toujours des victimes des z'ôtres. Pas facile dans une culture où l'on est toujours prompt à chercher des boucs émissaires et des victimes expiatoires.



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