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Une envie de livres ?

16/01/2011

Enseignant ou CRS ?

Mi-janvier déjà. Le temps file, file, file... Le nez dans mes cours à écrire, ensevelie dans les dossiers d'anciens cours, de bouquins et d'articles. Le plaisir en perspective de retrouver les étudiants à la rentrée. Je sais qu'il ne me reste que peu de mois avant la date prévue de bouclage de la thèse (enfin la dernière date envisagée) alors j'essaie de préparer autant que possible le maximum de chapitres de cours et de travaux dirigés pour me remettre à la thèse aussi vite que possible. Quasi éternel recommencement. Je savoure le bonheur de faire certains cours que j'ai toujours voulu faire. Je savoure aussi le plaisir très nouveau, étrangement, d'aimer enseigner. 

Alors je pense au moment où je vais retourner dans le secondaire. Peut-être la rentrée prochaine (septembre) si je ne trouve pas un dernier contrat, quasi certainement dans un an et demi, à la rentrée suivante. Quand il y a en moyenne six postes de titulaires par an dans l'ensemble de la France, il ne faut pas se faire d'illusion, même avec la thèse en poche, avec la validation du Conseil national des Universités, un poste de titulaire ne tombe pas du ciel. 

Du coup je renoue des contacts avec le secondaire, par le biais de la toile. Histoire de me préparer sans doute aux publics possibles. Parce que même s'il m'est arrivé de croiser le fer avec d'indécrottables étudiants bavards, incapables d'intégrer les principes les plus élémentaires de silence,  de respect, d'obéissance à l'enseignant, je sais naturellement que mon expérience dans le supérieur ne pèsera pas lourd face à certains zozos de collège ou lycée.

La situation est d'autant plus inquiétante que non seulement les stagiaires ont du mal, pour leur majorité, mais c'est aussi le cas des enseignants en poste depuis dix ou vingt ans  qui luttent sans avoir les moyens de vaincre contre des conditions d'enseignement déplorables. Je suis incapable de dire si le phénomène est ancien, je ne m'y avancerai donc pas. Une philosophe, professeur à l'IUFM de Nice, Isabelle Stal, jette un pavé dans la mare en affirmant dans un article publié dans les cahiers pédagogiques (sic) l'existence de liens étroits entre la pensée marxiste et l'évolution de la pédagogie depuis les années 1970.  Elle défend l'idée que l'évolution de la société, les parents et les médias sont bien loin d'être les seuls responsables de l'évolution de l'école. Je vous laisse seuls juges. Pour ma part, je ne crois pas que tous les formateurs d'IUFM et pédagogistes de tout poil soient nécessairement d'extrême-gauche. Mais il suffit qu'une idée soit valorisée, que l'on y croit, pour qu'elle suscite l'admiration et l'adhésion. Encore une histoire d'empereur nu.

À lire les témoignages de professeurs débutants, stagiaires donc, le désarroi et la souffrance sont très fréquents et très pesants. Pas systématiques non plus. Vous trouverez quelques exemples ici dans les journaux (comme La Croix) et dans le blog d'un professeur de lettres, Celeborn. J'ai déjà eu l'occasion de dire, dans un précédent billet écrit sous le coup de l'exaspération, que moins de formation à l'IUFM n'aura pas fait perdre grand chose aux jeunes enseignants. Je pense même que 15 ou 18 heures d'enseignement, sont faisables pour les jeunes enseignants, mais à quelques conditions près: 
- il leur faut une formation occupant tout le mois d'août, solide, concrète, complète: gérer une classe, savoir se positionner par rapport à des élèves, oser s'affirmer, sanctionner, savoir garder la distance;
- il faut mettre à disposition des jeunes enseignants plusieurs types de cours, des maquettes de cours prêtes pour les premiers mois, pour qu'ils puissent concentrer leurs forces sur l'apprentissage de la gestion des classes.
- leur donner de vrais tuteurs, présents, compatissants, humains, disponibles; 
- leur donner au maximum deux niveaux de classes quand la discipline le permet, pour éviter une trop grande complexité des préparations;
- des classes de bon niveau et sans problème de comportement avéré;
- les confier à une hiérarchie qui soutient systématiquement en cas de problème, encourage,  épaule;
- il faut enfin que lors de l'année de stage et des suivantes ils soient nommés dans des établissements tranquilles, le  temps d'apprendre à "être professeur".
J'ai mis des années à comprendre ce que signifiait la formule "être enseignant, c'est être un peu acteur". Enseigner est un métier qui s'apprend par l'expérience mais pas celle de la solitude. L'on ne met pas un boulanger seul devant son four, son pétrin et sa farine en lui disant, "vas-y, maintenant, débrouille-toi!".

Ce sont ces conditions-là qui manquent cruellement, qui font souffrir non seulement des palanquées de stagiaires cette année mais aussi des titulaires chevronnés. Parce qu'un enseignant peut très facilement se retrouver face à un élève qui l'insulte brusquement et le caillasse en pleine salle de cours parce qu'on lui a dit de se taire, de s'asseoir et d'enlever son MP3 de ses oreilles. Ce genre de mésaventure peut se terminer sans trop de problèmes, une fois passé le choc, quand le chef d'établissement et le "conseiller principal d'éducation" jouent leur rôle au lieu de faire preuve de lâcheté et de carriérisme. Car dans ce genre de situation, des chefs d'établissement en arrivent à dire, si l'enseignant fait un malaise après coup "bah! Il n'est pas fait pour être enseignant!". À se demander ce que l'on doit être, enseignant ou CRS en tenue de combat.

Il ressort de tout cela que le ministère est bien plus prompt à exécuter des réformes à la petite semaine plutôt qu'à traiter des problèmes profonds, qui touchent une quantité incroyable d'enseignants aujourd'hui. Pour une fois que ces problèmes ne demandent pas en soi de l'argent.

Oui mais il faut faire autre chose que de la comm' et pire encore, non  seulement avouer l'échec de trente ou quarante ans de dérive (ça c'est presque facile, surtout en rejetant la faute sur les gouvernements précédents) mais affronter des milliers de parents indifférents au sort de leur enfant ou au contraire convaincus que leurs petitsmonchérimoncoeurs sont toujours des victimes des z'ôtres. Pas facile dans une culture où l'on est toujours prompt à chercher des boucs émissaires et des victimes expiatoires.



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