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Une envie de livres ?

20/03/2013

Un mercredi ordinaire (l'art d'être utile)

Une matinée ordinaire. 

4 heures de cours. Deux premières à peu près correctes, enfin, une. Durant la deuxième, avec ma 6e faible, nous avons avancé avec la vitesse d'un escargot asmathique. Il s'agissait de décrire deux photos du paysage urbain de Strasbourg. À peine un tiers avait fait le travail à la maison. Bref. 

Récréation de 10 heures, pas le temps de prendre le pause, la course comme d'habitude. J'arrive juste pour cueillir une 5e en pleine explosion. Le mascara a dégouliné sous les larmes. Elle crie, elle éructe, en pleine rage. J'essaie de la raisonner, elle se débat. Les autres tournent autour, curieux de savoir ce qui c'est passé. 

Il faut la calmer, l'isoler d'abord, faire monter les autres. Excédée, je pousse, je hausse le ton, ordonnant à tous de monter sans m'attendre avec la grâce et la douceur de Nicholson dans Full metal jacket. Plus ou moins de bon gré, je réussis à traîner ma bombe vers l'infirmerie, elle n'est pas en état de suivre le cours, seulement d'hurler sa haine "je vais niquer sa mère, sa soeur, sa grand-mère...!" Je crois que toute la famille de l'ennemi(e?) y est passé. Une querelle, une de plus. Avec un peu de chance, demain, elle s'en souviendra à peine et évoquera l'affaire en gloussant de rire.

Dernière heure. Hélas, Jordan n'a pas eu l'heureuse idée aujourd'hui de s'auto-exclure. Il tente bien dès le couloir une escapade vers la vie scolaire (ou la sortie plutôt) mais quand je lui fais comprendre qu'il ne partira pas sans fiche officielle d'exclusion, ses velléités d'échappée belle s'évanouissent. C'est fou le pouvoir d'un morceau de papier. En attendant, il cherche - comme d'habitude - à changer de place, en vain - comme d'habitude, en s'installant de préférence à côté d'un autre qui n'attend que cela pour se distraire. Évidemment, hors de question pour lui de fournir le moindre travail. Pour cela il faudrait qu'il ait son livre. Mais comme d'habitude... a pas. Même noter la leçon, mais quelle idée! Je refuse de le lâcher, il doit copier la moitié seulement. Je le recolle de près, à la sonnerie, et le contraint à ressortir son agenda pour noter le travail. Sans la moitié du cours ni les questions sur le document, c'est purement symbolique. 

Pendant l'heure Yilmaz n'a pas cessé de parler, pas du cours, non, mais avec Bakir qui a l'énergie d'une moule. Je change Bakir de place (au passage, Yilmaz ne reste pas deux fois à la même place en cours, la notion de plan de classe relevant pour lui de l'arbitraire professoral qui risque de provoquer des contestations sans fin, tout comme l'autorité en général). Les bavardages continuent à travers la classe. Je ne calme Yilmaz qu'en sortant une fiche d'exclusion que je remplis tranquillement. Évidemment, le cours s'arrête pendant ce temps. 

En même temps, entre les deux exclusions définitives, les absents pour absence d'envie, les absents pour voyage scolaire, les non-francophones néo-arrivants pas encore scolarisés en classe, je tente de faire travailler onze élèves sur les vingt de la classe complète. Les ennuis étaient prévisibles avec ce groupe dès le début de l'année, les effectifs ont donc été allégés d'emblée. Par la force des choses, ils ont encore été allégés depuis. A force de collectionner des rapports d'incidents (insultes, refus de respecter le personnel, dégradations, jeux dangereux), l'un est parti sous d'autres cieux, pourrir un autre établissement après un échec en atelier relai. Le deuxième a été éjecté après avoir sorti tout son vocabulaire ordurier sur un collègue. Quand je dis tout, c'est tout. Brassens à côté serait passé pour un petit joueur.

Onze élèves? Non, je travaille sérieusement avec deux élèves, quatre en en poussant deux autres. 

L'attention des autres est à peu près nulle. Pourtant il est question de l'iPod, produit choisi dans le manuel pour parler de la mondialisation et des échanges de marchandises (programme de géographie). Je parlerais du XVIIIe siècle, je pourrais comprendre. Même pas.

Je sors à midi en me sentant vraiment utile à l'humanité. En passant, je tombe sur une collègue en train de gérer la dernière connerie de sa dernière classe: un élève a mis de la colle dans l'oeil d'un autre. Parents contactés. Pas disponibles. Pas d'administration, à midi tout est fermé. Heureusement les infirmières sont là. Ambulance. 

Il est 12h15, je referme la grille. Monde de fous. 


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